L'Atelier rouge d'après Matisse

Huile sur toile de grand format (181 x 219,1 cm), L'Atelier rouge d'Henri Matisse fait partie des Intérieurs symphoniques, un ensemble de quatre tableaux réalisés au printemps 1911 pour le collectionneur d'art moderne Sergueï Chtchoukine. L'Atelier rose figure au musée des beaux-arts Pouchkine, à Moscou. La Famille du peintre est installée aujourd'hui au musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersboug. Intérieur aux aubergines intègre en 1922 les collections du musée de Peinture et de Sculpture de Grenoble. L'Atelier rouge est conservé au Museum of Modern Art, à New-York.
Une ordonnance sommaire de l'espace, une symbolique du rythme coloré qui s'inspire de la Chine et du Japon, de l'Inde et de la Perse, marquent chez Matisse le refus du passé occidental. "La signification de l'oeuvre, écrit le peintre en 1908, doit s'imposer au spectateur avant même qu'il n'en identifie le sujet." La peinture, suivant Matisse, s'exprime par la couleur qui en devient l'élément primordial. L'Atelier rouge se résume ainsi à un grand aplat de couleur pure, stridente, où l'impression de profondeur se dissipe, les relations de position s'éliminent et les procédés de construction échouent. Le dessin se libère des contraintes du clair-obscur et la ligne s'insinue avec une sorte de feinte naïveté ou de gaucherie calculée pour tendre à l'abstraction décorative. La simplification des idées et des formes figuratives, écrit Matisse en 1908 dans les Notes d'un peintre, doit aboutir à une harmonie "comparable à celle de la composition musicale."
La partition qui s'inspire de L'Atelier rouge et lui emprunte son titre est une commande de l'ensemble Nikel auquel elle est dédiée. Ecrite pour saxophone, guitare électrique, percussion et piano, la pièce évolue au travers d'associations insolites de timbres : multiphoniques de saxophones, waterphone amplifié, dispositif de production de bruit à la guitare, sons tirés de l'intérieur du piano. Les formes du discours traditionnel sont ainsi soumises à l'action déformantes des milieux et s'absorbent dans une autre logique, celle de la tension pure.

Hugues Dufourt